Première partie (leçon 6)         
 

Le jeu de survie – sa raison 1e partie

Traduction de Sato Kei

 

T pour Saori Takeshige (l’assistante)

Y pour Takeshi Yokouchi (le présentateur de l’émission)

O pour O Meien Oza (9 Dan, Oza au moment de l'enregistrement de l'émission)

 

T : Leçon de Go pour tous par Yokouchi

Défi de Saori : devenir 1er Dan

 

T : Bonjour, je suis Saori Takeshige.

Cette émission a pour but de me faire devenir 1er Dan grâce aux cours d’initiation de Takeshi Yokouchi.

 

Y : Leçon 6 : Jeu de survie, sa raison 1e partie

Saori, nous avons déjà utilisé à plusieurs reprises le terme jeu de survie.

Avant d’attaquer ce sujet, j’aimerais commencer par vous parler du contexte, dans lequel j’ai commencé ce cours.

Vous savez combien de personnes jouent au go au Japon ?

 

T : Non, je ne sais pas

 

Y : Regardez ceci : en 1980 on comptait 12 millions de joueurs

Mais dans les années 90, il n’y en a plus que 3,9 millions.

 

T : Quelle diminution !!!

 

Y : Aujourd’hui la tendance est de nouveau à l’augmentation mais il faut néanmoins comprendre le pourquoi de cette telle diminution. Je pense que la méthode d’initiation n’était pas très adaptée, ou disons qu’il y avait des termes peu évidents à comprendre par les novices.

 

T : Je crois comprendre ce que vous voulez dire.

 

Y : D’après mes recherches, la notion du « territoire » est au cœur de ce problème.

Pour quelqu’un qui ne connaît pas le go, le mot « territoire » fait référence au « terrain » et par conséquent au mot « propriété ».

Il est évident qu’un terrain appartient à la première personne qui a acquit son droit.

 

T : C’est vrai

 

Y : Mais le « territoire » au go a d’autres sens que le mot « terrain » que nous employons au quotidien. C’est une notion très spécifique au go et c’est essentiellement cette mauvaise interprétation qui porte confusion à la compréhension du jeu.

C’est pourquoi je préfère présenter le go comme un jeu de survie et non comme un jeu de territoire.

Bien, Je voudrais maintenant vous présenter un grand contributeur aux méthodes d’initiation : O Meien Oza

Bonjour.

 

O : Bonjour, bonjour à tous

 

Y : Je crois qu’il n’y a qu’une personne au monde qui s’intéresse autant aux méthodes d’initiation en tant que tenant d’un grand titre.

 

O : Quand je suis devenu professionnel, j’ai eu l’occasion d’enseigner dans une classe d’initiation et depuis ce temps j’ai toujours pensé qu’il est préférable de parler de pierres et non de territoire lorsqu’il s’agit d’expliquer le but du jeu.

J’étais donc très content d’apprendre que vous, Yokouchi-san, vous pensiez de la même façon que moi. Mais nous ne sommes pas les seuls. Même en Europe il y a une personne qui pense de la même façon.

 

Y : J’ai préparé le logiciel que vous nous avez apporté. Qu’est ce que vous pouvez nous dire à propos de ce logiciel.

 

O : C’est écrit en japonais mais c’est un logiciel qui a été créé en France et c’est donc une version traduite. Il a été conçu par  « Albert-san » et il l’existe évidemment en versions française, anglaise…

C’est un logiciel qui explique une méthode d’initiation.

Comme vous pouvez le voir, il parle tout d’abord du matériel, des règles basiques : par exemple « c’est noir qui commence », « on joue chacun son tour », etc.

 

Y : Jusqu’ici je ne vois rien de spécial.

 

O : Tout à fait, ce sont des explications traditionnelles.

Voilà, c’est à partir d’ici :

 

Y : « Le but du jeu est de poser plus de pierres que son adversaire ».

 

Y : Je pense que les japonais seront surpris de lire ceci.

 

O : Oui. Ce qui est important quand on apprend un nouveau jeu, c’est de bien comprendre le but du jeu. Par exemple, au football c’est de marquer un but, au basket-ball c’est de mettre le ballon dans le panier. Et au go, pourquoi ne pas dire de poser le plus de pierres de sa couleur sur le plateau comme pour le jeu d’Othello.

Alors c’est très facile de comprendre le but, c’est immédiat.

 

Y : Dans cette émission on utilise le terme « jeu de survie ». On peut donc l’interpréter comme : faire survivre le plus de pierres de sa couleurs sur le plateau.

Avec la règle japonaise il faut construire le maximum de territoire mais c’est très difficile d’appréhender cette notion. Alors que poser le maximum de pierres sur le plateau est plus intuitif.

 

O : Albert a déjà testé cette méthode. Il n’a pas simplement créé ce logiciel pour le plaisir mais sa méthode est utilisée dans une grande ville française appelée Strasbourg.

La ville encourage également cette méthode et organise même des tournois annuels en utilisant cette règle strasbourgeoise. Le go est donc très populaire à Strasbourg car avec elle c’est vraiment facile d’apprendre le jeu.

 

Y : N’importe qui peut comprendre le jeu si son but est de poser le plus de pierres possible sur le plateau.

 

O : Oui c’est très intuitif.

 

Y : La règle strasbourgeoise est très avancée dans le sens où même la version japonaise de ce logiciel est distribuée.

 

O : Oui, c’est très bien expliqué et c’est très répandu.

 

Y : Et est-elle si différente de la règle japonaise ?

 

O : Non, il n’y a quasiment pas de différence. Si on utilisait cette règle dans des tournois internationaux, Lee ChangHo serait quand même le vainqueur.

 

Y : Je voudrais vous montrer le déroulement d’une partie.

La partie évolue normalement.

 

O : Effectivement. Je ne sais pas si c’est une partie issue d’un tournoi de Strasbourg mais c’est une bonne partie. Il faut dire que deux débutants ne peuvent pas jouer aussi bien. Mais il est tout à fait possible de jouer de cette façon avec un certain niveau.

 

Y : Il me semble que la partie évolue normalement

 

O : Oui. Voilà c’est à partir d’ici…

 

Y : On continue à ajouter des pierres sur le plateau.

 

O : C’est vrai que si on jouait au territoire, on laisserait le plus d’espace possible. Mais comme nous jouons au jeu de « celui qui pose le plus pierres gagne », il faut continuer à poser les pierres. Il faut essayer d’augmenter le nombre de ses propres pierres.

Voilà, ici, blanc a passé car il ne peut plus augmenter son nombre de pierres.

Noir a également passé.

 

Y : Ah et voici le résultat : Blanc a 37 pierres et noir a 38 donc noir gagne d’un point.

Et si je regarde bien, les deux joueurs ont laissé 2 yeux respectivement.

 

O : Oui, ce n’est pas interdit de continuer à ajouter des pierres mais comme vous le savez on pourra alors les capturer.

 

Y : Dans ce sens on peut apprendre naturellement la notion de vie et de mort.

 

O : Oui tout à fait, un groupe vivant est une forme imprenable. On assimile instinctivement cette notion.

 

Y : En conclusion, nous pouvons dire qu’il est plus facile de comprendre le jeu en parlant du nombre de pierres sur le plateau plutôt que du territoire.

Dans ce cours, nous avons tout d’abord expliqué la règle de prise.

Nous avions également conseillé de commencer par le jeu de capture : capturer en premier trois pierres par exemple.

 

O : Faisons une partie

 

Y : Nous allons jouer jusqu’à ce qu’une pierre soit capturée.

 

O : Par exemple comme ça ; Atari ; Merci pour la prise.

 

Y : Blanc a capturé une pierre donc blanc a gagné.

Supposons que nous continuons à jouer.

A ce stade, nous n’allons pas regarder le nombre de pierres capturées mais le nombre de pierres restant sur le plateau.

Blanc a quatre pierres, noir seulement trois. Blanc a une avance d’un point.

Et ça c’est le go.

 

O : Oui. Le but est d’avoir plus de pierres sur le plateau que son adversaire.

Le fait de capturer les pierres adverses permet de les réduire et donc de prendre l’avantage. On capture les pierres dans le but de réduire le nombre de pierres sur le plateau.

 

Y : C’est très facile à comprendre avec votre règle ou celle de Strasbourg, qui disent en fait la même chose. L’objet du comptage dans la règle japonaise c’est le territoire. Alors que dans votre nouvelle proposition c’est le nombre de pierres. Mais en fait ce n’est pas une proposition si nouvelle que ça.

 

O : Oui je crois qu’à l’origine le go a débuté avec le jeu de prise de pierres.

Par la suite, avec l’expérience, les joueurs ont appris à ne pas se faire capturer. Ils ont alors décidé une nouvelle façon de départager le vainqueur : le nombre de pierres sur le plateau.

Quand ils ont acquis suffisamment d’expériences ils ont compris naturellement le lien entre les pierres et le territoire. Et après quelques milliers d’années le go est devenu un jeu de territoire. Mais techniquement il n’y a pas de différences entre poser le maximum de pierres et créer le plus grand territoire possible.

 

Y : Sur un grand Goban il est plus facile de compter le « vide » plutôt que les pierres.

 

O : Oui c’est vrai que c’est une très bonne méthode mais sa seule limite est la taille du plateau. Autrement dit la règle est d’autant plus efficace si la taille du plateau est petite.

 

Y : Que se passe t-il pour la fin de partie ? Quand est-ce qu’on arrête la partie.

 

O : Comme vous avez pu le voir dans la démonstration précédente, les deux joueurs posent les pierres jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de possibilité. Ensuite ils passent. Ca c’est une bonne fin de partie. Une fin de partie de joueurs confirmés.

Mais par exemple cela arrive qu’un joueur débutant passe à ce stade de la partie. Rien n’empêche noir de passer. Blanc peut aussi passer. Comme les deux joueurs ont passé, c’est fini. Blanc gagne d’un point (quatre contre trois). Je trouve que c’est aussi une jolie partie.

 

Y : En résumé, chacun joue à tour de rôle. Quand deux joueurs passent consécutivement la partie est finie. Avec la règle japonaise ce n’était pas très clair de décider la fin de partie. Mais avec cette règle la fin de partie est devenue très claire également.

Essayez cette méthode chez vous s’il vous plaît.

Revenons à notre partie. Pour le moment c’est quatre contre trois. Si deux joueurs passent, c’est fini, s’ils sont tous les deux d’accord.

 

O : Supposons que nous continuons encore un petit peu….

On peut par exemple supposer que la partie se termine comme ça, ce qui est tout à fait possible.

Noir joue ici, mais se fait capturer. Il ne sait plus quoi jouer et décide de passer. Blanc passe aussi. Blanc a 2 4 6 8 et noir a 2 4 6, donc blanc gagne de deux points.

Comme vous pouvez le voir, la fin de partie est possible à tout moment.

 

Y : Si vous êtes habitués à la règle « orientée pierres », vous ne voyez aucun souci à terminer la partie de cette façon. Alors que si vous pensez « territoire » vous aurez du mal à compter les points à ce stade de la partie.

Je souhaiterais vous présenter dans la prochaine émission le lien entre « le jeu de pierres » et « le jeu de territoire ».