Le jeu de go pour Dorian : Le karaté de l'esprit
Le premier tour du championnat de France de go a eu lieu récemment en Alsace: il s'agissait de sélectionner dans chaque région les meilleurs joueurs qui participeront à la finale parisienne. Parmi les jeunes espoirs alsaciens, Dorian Cohen, âgé de quatorze ans seulement.
En dépit de son jeune âge, Dorian Cohen a déjà une personnalité très affirmée. Il sait ce qu'il veut et quand il le veut. Au début, le go ne le passionne pas. Il a huit ans quand son père introduit le jeu dans la famille: " Papa a connu le go par un ami. Comme il cherchait un partenaire, il s'est adressé à ma mère. Moi, j'ai voulu imiter les grands. Mais j'étais trop jeune pour apprécier véritablement ce jeu. "
Dorian rentre du collège Fustel De Coulanges, dans une classe " sur dossier ", homogène, où le niveau est très nettement au-dessus de la moyenne. Son prof de maths n'est autre que Didier Roth, l'un des meilleurs joueurs français de go: "C'est le président de la Fédération alsacienne de go; naturellement, il a monté un club au collège, et j'ai eu envie de m'y remettre ". Le prétexte? Un tournoi, organisé au sein même du collège. Ouvert à tout le monde. Dorian demande à y participer, plus d'ailleurs pour l'ambiance que pour le jeu lui-même: "C'est moins la compétition qui m'intéresse que l'ambiance avant le tournoi, pendant le tirage au sort, puis pendant le match: il règne un calme impressionnant! ". Dorian se classe 3e sur 30, une position honorable et encourageante pour quelqu'un qui se souvenait du but du jeu ("Se constituer le plus de territoires possibles ") mais non des règles. Et Dorian se prend de passion pour le go. Pour lui, ce jeu d'origine japonaise est très stratégique, très compliqué -plus que les échecs, par exemple, puisqu'on n'arrive même pas à le programmer en raison de ses nombreuses combinaisons! C'est aussi un jeu ingrat, vicieux: " Pour s'en rendre compte ", précise Dorian, " il ne faut jamais jouer contre la même personne. Autant de partenaires, autant de stratégies. Comme c'est un jeu oriental, il est plus roué, plus vicieux, voire même tordu. Finalement, pour bien jouer, une vie ne suffit pas. " Le tournoi terminé, Dorian s'inscrit au club et, de préférence, il choisit des adversaires plus forts que lui. Nouvelle audace, lors du premier tour du championnat de France: il demande à y participer et, à quatorze ans, termine premier des jeunes, ex aequo avec le meilleur joueur du collège Saint-Etienne: " Il y avait de bons candidats. Alors, terminer premier des jeunes et treizième pour l'est de la France, tous âges confondus, c'est pas mal. Et ça m'encourage à persévérer. "
Donc, Dorian continuera à jouer. Plus que jamais. Avec des adversaires différents et toujours plus forts. Pour le plaisir ou dans le cadre de tournois. Ce qui lui plaît dans le go: le combat mental, c'est-à-dire le fait de dépenser une certaine énergie à réfléchir, calculer, déterminer les coups qu'il va porter à l'adversaire: " C'est une sorte de karaté de la tête. On apprend à se dominer, à se contrôler, à raisonner autrement. "
Pour Dorian, aujourd'hui, le go est plus qu'un hobby: c'est une manière de vivre, d'être, de se comporter. En bon stratège, évidemment.
Ch. D.