DNA: Les articles du championnat de France 98

DNA 23-8-98

L'art subtil du go

 

 Jeu sans âge né en Chine, le go est profondément ancré dans la culture japonaise. Arrivé en France il y a trente ans, il séduit de plus en plus. Normal pour ce que beaucoup considèrent comme le jeu des jeux. Les championnats de France de la spécialité se dérouleront fin août à Strasbourg.

 Pour les occidentaux, le go est la version japonaise du jeu d'échecs. C'est un tort. Évidemment, il y a un plateau en bois où sont tracées des cases, plateau sur lequel deux joueurs s'affrontent, l'un blanc, l'autre noir. Mais la liste des points communs s'arrête là (il existe, en plus, un jeu d'échecs japonais, le shôgi).

 Contrairement aux dames et aux échecs, le damier, appelé go-ban, est vide au début de la partie. Il est composé de dix-neuf lignes horizontales et dix-neuf lignes verticales. Les pions, ou pierres, sont posés tour à tour sur une des 361 intersections de ce canevas jusqu'à le couvrir presque entièrement. Il y a 180 pierres blanches, normalement en nacre, et 181 pierres noires, elles, en ardoise. Une fois sur le go-ban, elles ne bougent plus, à moins d'être capturées par l'équipe adverse.

Le plus grand territoire

 Le go-ban est un terrain qui n'appartient à personne. Le but du jeu est de posséder le plus grand territoire possible. Comment  ? En disposant habilement ses pierres qui forment ainsi des frontières. Bien sûr, chacun des joueurs pourrait faire cela tranquillement de son côté. C'est son droit, tout le go-ban est à lui, en principe.

 Mais, la plupart du temps, l'adversaire vient mettre son grain de sel dans le bel édifice en train d'être construit, si le contraire n'est pas déjà fait. Avoir son terrain plus celui du voisin, c'est tellement mieux  !

 Les pierres dessinent des formes appelées yeux, cheval, forêt, etc. Il est normal que des appellations si évocatrices charment les poètes. Le Japon, d'ailleurs, l'a élevé au rang d'art. Des écoles de go sont crées dès le XVIIe siècle. Des dynasties de joueurs datant de cette époque existent encore.

 Il est toujours de bon ton de faire mentionner son niveau au go sur ses cartes de visite au pays du Soleil levant. Les grands matchs y sont retransmis à la télévision. Le prix Nobel de littérature Yasunari Kawabata en a fait le sujet d'un de ses livres, « Le Maître ou le tournoi de go ».

Le go et la guerre

 En France, on doit sa vulgarisation à trois auteurs. Le « Petit traité invitant à l'art subtil du go », écrit en 1969 par Pierre Lusson, Jacques Roubaud et Georges Perec, est un des ouvrages les plus complets et des plus enthousiasmants sur le jeu. Autre « dingo », Sigmund Freud. Son thuriféraire, Jacques Lacan, partageait ce goût.

 Ce jeu pacifique, comparé à l'extermination complète exigée par les dames et le combat tragique que raconte toute partie d'échecs, a inspiré les stratèges. L'attaque de Pearl Harbour est héritée des tactiques de capture du go, tout comme Dien Bien Phu. Certains prétendent que Mao s'en est servi lors de la Grande Marche. Dans les époques antiques, en Chine, la légende raconte que des conflits ont été réglés sur le go-ban et non sur le champ de bataille. Mais depuis longtemps, les enfants sont ceux qui comprennent le plus rapidement les mécanismes du jeu.

Véritable anti-échec

 Alors qu'il suffit de seulement dix minutes pour connaître les règles du go, certaines parties peuvent durer des mois. Autre particularité, le jeu autorise le handicap, ainsi un novice peut-il affronter un grand maître sans subir la honte d'une défaite trop écrasante. L'issue d'un match n'est jamais certaine, il est possible de ne gagner que d'une pierre, chose impossible aux dames ou aux échecs. Le go, véritable anti-échec, mérite vraiment son surnom de jeu des jeux. Pour s'en convaincre, une seule solution, y jouer.

 Initiation au go, place Kléber à Strasbourg, du jeudi 27 au dimanche 30 août. Championnat de France, salle de L'Aubette, du vendredi 28 au dimanche 30 août.

 Renseignements : Fédération française de go, B.P. 95, 75262 Paris Cedex 06.

J.-F. T.

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