Farid Ben Malek                    

 

par Maria DUTEIS et Eric PARÉ pour la revue française de go

- Quand et où as-tu appris à jouer ?

- En fait, j'ai d'abord appris à jouer aux échecs, vers l'âge de 5 ans, et jusqu'à l'âge de 16 ans et j'y jouais notamment avec un ami de mon père que je massacrais tout le temps... Il a alors voulu m'apprendre à jouer au Go pour pouvoir me battre (rires). Mais après deux parties à 9 pierres de handicap, je suis parti en pleurant, très déçu de perdre de 100 points ! Ce n'est que 4 ans plus tard (J'avais 15 ans) que je suis revenu vraiment au Go, à l'occasion d'une nuit du jeu à Lyon en juin 1985. J'ai passé la nuit au stand du jeu de Go (avec Emmanuel Dockes) et en septembre je suis entré au club. J'ai trouvé le Go bien plus intéressant que les échecs car j'étais lassé des parties nulles. Ma première motivation : devenir 1er kyu en un an pour pourvoir participer au championnat du Monde des jeunes à Taiwan. J'ai réussi ! En 11 mois, j'étais 2e dan...

- Tu es parti étudier le Go au japon pendant 1 an 1/2. Qu'est-ce que ça t'a apporté?

- Oui en effet, je suis parti au japon de janvier 1991 à juillet 1992. Je suis parti là-bas pour le Go mais aussi pour mieux connaître le Japon car un précédent voyage de quelques mois m'avait fait découvrir ce pays : j'y avais notamment vu les inseis (apprentis de Go) dans la maison des maîtres! je suis donc parti 4e dan et je suis revenu 6e dan. C'est Chizu Kobayashi qui fut mon maître. Par contre, j'ai été très surpris par ce qui m'attendait là-bas! 12 heures de Go par jour, sept jours sur sept, un mois de vacances par an ... ! En fait, le Go, qui était un jeu pour moi, s'est transformé en un travail épuisant. En rentrant, on peut dire que j'étais techniquement 6e dan, mais j'avais perdu beaucoup de ma motivation.

- Quand redeviendras-tu champion de France ? Que te manque-t-il actuellement pour devenir par exemple... Champion d'Europe ? Quelles sont tes possibilités de progression ici, en France?

- Champion de France? En 1998 bien sûr! (rires). Pour progresser, il faut travailler, donc avoir du temps et jouer avec des joueurs beaucoup plus forts que moi, et je n'en ai pas souvent l'occasion. Bien sur, il y a IGS, le serveur de Go sur internet, mais les cours y sont très chers et même s'il y a plus de joueurs forts qu'en France, ils ne sont pas très nombreux.

- Tout le monde sait l'énorme travail que tu as fourni pour l'organisation du Congrès Européen 97 à Marseille (qui a d'ailleurs été un très grand succès). N'es-tu pas frustré de ne pas avoir pu jouer l'esprit libre ?

- Oui... j'avais été sollicité pour l'organisation avant le congrès mais je ne pensais pas m'investir autant pendant... Cela c'est fait dans la continuité du travail que j'avais déjà effectué avant le début du congrès... Frustré ? Oui certainement; j'ai perdu une partie d'un demi point contre Lee Hyuk que je n'aurais jamais perdue en temps normal, et une autre contre Christophe Gerlach parce que j'ai été dérangé pendant la partie pour des problèmes d'organisation !

- Tu t'occupes beaucoup de pédagogie actuellement. Tu donnes des cours. Cela t'apporte-t-il quelque chose?

- C'est vrai, je donne des cours dans le cadre de la FFG, notamment dans des comités d'entreprises. J'apprécie les contacts privilégiés qui se créent avec les élèves et j'ai beaucoup de plaisir à les voir progresser. Cela ne me fait pas vraiment progresser moi-même car j’enseigne des notions qui pour

moi sont déjà des acquis. Je consacre pas mal de temps à la préparation des cours, en fonction du type de cours bien sûr. Par exemple, pour le week-end du stage de la ligue du Sud-ouest, j'ai dû passer 20 heures...

- Des 6e Dan, il n'y en a pas tellement. Les gens sont impressionnés quand ils te parlent bien que tu sois encore bien jeune. Comment vis-tu cela ?

-j'espère toujours que les gens m'apprécient pour autre chose que mon niveau! Mais je dois avouer que ce rapport de pouvoir permet de faciliter les contacts. J'essaie toujours de ne pas mettre de distance entre les gens et moi sous prétexte que je suis plus fort au Go. Et puis le milieu du Go est très sympa; je n'y ai jamais vraiment ressenti de barrière comme c'est le cas aux échecs. En fait, ça vient plutôt des joueurs moins forts qui "n'osent pas" ...

- Quel but peut-on avoir quand on est 6e dan ? Être 7e dan ?

- Non, être 9e dan (rires). Et puis de toutes façon, si un jour je sens qu'il n'y a plus vraiment de progrès possible, je pense que ce sera largement compensé par le fait de pouvoir faire progresser les autres ; surtout les jeunes. Quoi de mieux que de pouvoir se dire "S'il y a plus de joueurs forts en France qu'au Japon c'est un peu grâce à moi" ? (rires)

- Quels conseils donnerais-tu à un joueur 10e Kyu pour progresser ?

- Prendre des cours avec moi ! (rires). Jouer et travailler les Tesujis, le Tsumego, apprendre des parties de pros; mais pas les Josekis. Quand j'ai commencé le Go, j'avais appris par cœur "38 Basic Josekis" et trois mois après, j'avais tout oublié ! Peut-être une exception quand même : les Josekis sur le Hoshi (jeu à 9 pierres de handicap). Enfin, comme le dit si bien Maître Lim : "Il faut se méfier des opinions établies. Il faut se faire sa propre opinion".